Interview - Sylvain Pauchard, Gérard Blanc, Alain Pewzner
MartinCircus.com : Comment as-tu vécu ces années 70 ?
Alain : Les années 70 ont été pour moi un grand champ expérimental, aussi bien sur le plan musical que sur le plan humain, lesquels sont étroitement liés de toutes façons.
Evidemment il est difficile d'exclure l'usage de certains artifices, ce qui a fait partie de l'expérience, mais aussi, un sentiment de grande liberté sur tous les plans, et une grande soif de nouveautés et de découvertes, ce qui impliquait une certaine ouverture d'esprit, bien sur.
Gérard : Comme des années de merveilleuses aventures..! Il faut juste se rappeler que c'était encore le temps du général De Gaulle... et du passage de la t.v. noir & blanc à la couleur !! La France ronronnait et les ados que nous étions, rêvaient de quelque chose de nouveau. On était tout juste après Mai 68..et tout restait à inventer. Je faisais beaucoup de Musique..je pense que ça occupait l'essentiel de mon Univers. Je l'ai vécu comme une expérience au quotidien. d'abord humaine parce que les groupes ne sont qu'une suite de rencontres, de fusions, de ruptures, de découvertes de gens extrêmement différents, mais aussi parce que j'envisageais la musique comme l'Expérience que je pratiquais au quotidien, totalement autodidacte, en prenant exemple sur les gens que j'admirais qui étaient tous Anglo-Américains (J.Hendrix, Beatles, Stones, Otis Redding, Ray Charles)
Sylvain : Normalement, sans me poser de question, à cette époque, ça ne semblait pas extraordinaire, il y avait plein de groupes, des bons et des moins bons, tout était possible, tout était découverte, des petits camions transportant des groupes Anglais, ou Français sillonnaient les routes, la musique était vraie, les musiciens jouaient vraiment et les chanteurs interprétaient.
MartinCircus.com : As-tu le sentiment d'avoir apporté ta petite pierre à la musique à travers les chansons du groupe ?
Alain : J'ai le sentiment d'avoir contribué à la construction d'un de nos rêves, qui était de fait, la fusion d'une certaine musique symphonique avec le rock ou la pop music de l'époque, et de faire naître un spectacle incluant d'autres formes d'art telles que le théâtre ou la peinture.
J'ai effectivement le sentiment d'avoir donné avec mes camarades un reflet de nos visions de l'époque, tel que le Théâtre Métasublime, un de nos délire du moment.
Gérard : Peut-être..que la liberté artistique que nous avions à l'époque nous a permis de créer quelques titres qui ne devaient rien à personne , et qui ,en ce sens, ont apporté quelque chose..., un esprit... qui n'existait pas avant et ...plus après...!
Sylvain : Oui, comme les autres membres du groupe,
MartinCircus.com : Est-ce que les liens que tu as gardés avec certains membres du groupe sont quelque chose d'important pour toi ?
Alain : Bien évidemment, avec Sylvain et Gérard, nous sommes restés très liés, nous continuons d'ailleurs à travailler ensemble sur certaines choses telles que des réalisations d'albums, ou encore des compositions de musiques de pub ou de chansons, ou tout simplement nous nous retrouvons pour faire une bonne Bouffe.
Gérard : Bien sur. ce sont des repères tout au long de ma vie. Même si nos carrières personnelles nous ont éloignés les uns et les autres depuis le milieu des années 80, on se suit toujours, et l'avis des autres reste très important car on se connaît souvent mieux que quiconque . quand on se téléphone par exemple, c'est comme si on s'était toujours parlé la veille. les automatismes du Groupe reviennent immédiatement, et aussi l'humour, et bien sur les vannes. Quand nous sommes retournés en studio ensemble en 2001 pour enregistrer Anti-Social dans le Tribute to Trust, je me suis immédiatement senti bien de jouer de la guitare avec Alain, et de poser ma voix sur une rythmique programmée par Sylvain.
Sylvain : J'ai du respect et de l'admiration pour chaque membre du groupe, ils m'ont chacun apporté quelque chose, après, l'accoutumance a fait le reste. Je suis et resterai un fidèle admirateur de ALAIN PEWZNER, pour son grand talent et pour toutes ses qualités, je reste sous le charme. Pour GERARD BLANC, j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour sa façon de faire, son bon goût, et sa voix. Je le considère comme un ami, mais je lui ai jamais dis, je pense que ça se voit.
MartinCircus.com : Quel est le plus fort souvenir de ta vie au sein de ce groupe ?
- As-tu une anecdote à nous raconter concernant tes années passées dans le Groupe ?
Alain : Je crois, que le souvenir le plus fort en ce qui me concerne, ce soit déroulé au tout début du groupe, en 1971 il me semble, alors que nous venions tout juste de finir la composition et les répétitions de l'album Acte II.
Nous le jouions donc sur scène depuis peu, et nous revenions sur Paris après une petite tournée en province, je crois que nous revenions de Bordeaux ou quelque chose comme çà, donc d'assez loin, pour faire un concert dans la région parisienne, dans ce qu'on appelait à l'époque les Festivals POP, celui-ci était le festival de St Gratien.
Il faut savoir aussi pour que l'histoire soit complète, que nous n'avions pas les moyens à l'époque, de nous payer ni roaddies ni chauffeurs, et que nous venions de nous taper toute la route depuis Bordeaux après avoir joué la veille, ainsi que l'installation de la sono, des éclairages, et du matos de scène, donc bien crevés. Nous sommes arrivés sur place en fin de journée, et nous passions en dernier, juste après les "Variations" qui venait de faire un Tabac.
Nous avons donc monté tout le matos une fois de plus, ne nous faisant aucune illusions quand à l'accueil du public. Je me souviens très bien que dans les loges, peu de temps avant de jouer, de l'état de morosité de tout le groupe. Bon, de toutes façons, il fallait y aller. Nous avons quand même joué avec toute l'énergie qu'il nous restait, et la concentration qu'il fallait, car, Acte II, à jouer en live n'était pas une mince affaire.
Donc nous jouons, tout se passe bien, nous finissons sur Je m'éclate au Sénégal, qui à l'époque n'était pas encore sortie, et nous sortons de scène sous des applaudissements corrects mais sans plus, ce qui était déjà plus que nous l'espérions. A la suite de quoi nous retournons dans les loges. Nous n'étions pas arrivés depuis quelques minutes, que le régisseur du concert nous appelle dans l'affolement, en nous disant de revenir sur scène, que public nous réclamait. Nous revenons sur scène, effectivement, les gens nous ovationnaient avec ferveur, nous ne pouvions rien jouer de plus, les autorisations ne le permettaient pas, de toute façons, nous étions trop crevés. Donc, nous saluons une fois de plus, et retournons dans les loges, là le régisseur nous course en nous disant de revenir sur scène que les gens nous réclamaient etc,etc, tout ceci à duré un bon moment, jusqu'au moment ou le public nous a fait ce qu'on appelle un Standing ovation de 20 mn.
C'est un grand moment que je n'oublierais jamais, un moment plein d'émotions et de bonnes vibrations, sans oublier que dans des moments magiques comme ceux-là, tout concorde, sans que nous le sachions, une émission de Télé filmait le festival ce jour-là, et bien sur cette émission a été diffusée un peu plus tard, témoignant ainsi de l'événement.
Gérard : Ouh...la...la...!, tellement de souvenirs... mais enfin, peut-être....pendant certains concerts le sentiment fugitif, pendant quelques secondes magiques d'être au volant d'une machine parfaite, ...ou la rythmique roulait... les voix sonnaient d'enfer...et ou le public planait autant que nous....Impalpable !...
- Disons que nombre d'entres-elles sont...irracontables...mais enfin ...je garde un grand souvenir d'un soir au studio où nous avions décidé d'enregistrer un break pour klaxons et moteurs dans un titre, et oui...!...à l'époque les samples n'existaient évidemment pas ! Nous avons donc installé nos quatre coccinelles devant la porte du studio, demandé à l'ingénieur du son de mettre des micros devant chacune des voitures, et de nous installer à chacun un casque de retour à l' intérieur de chacune d'entre-elles afin que l'on puisse se caler sur le play-back. Alors chacun s'est installé au volant de sa bagnole, et il a fallu klaxonner et donner des coups d'accélérateur
en rythme selon une partition que nous avions déterminée avant. Un vrai délire, mais ça marchait très bien...et comme ce genre d'idée arrivait sur le tapis tous les jours....
Sylvain : Il y en a tellement ! ils sont tous forts,pour en choisir un: je me souviens quand nous traversions des moments de fatigue,un jour, on se sentait tellement down, que quand nos road manager faisaient la balance, on trouvait qu'ils jouaient mieux que nous, et quand on sortait en boite apres un concert, on trouvait qu'ils dansaient mieux que nous et qu'ils etaient plus beaux !
- Nous avions 3 cockers que nous emmenions en concert, et une nuit, en revenant de concert, en s'arretant sur l'autoroute a une station, nous avons oublié nos chiens. Nous nous en sommes aperçu a Paris, à 200 kms plus loin, nous sommes donc repartis les chercher de suite, et nos trois chiens nous attendaient tranquilles, à la station...
MartinCircus.com : Que te reste-t-il de toutes ces années passées au sein de Martin Circus ?
Alain : Il me reste en dehors des milliards d'anecdotes en tous genres, tout ce j'ai pu apprendre de ce métier qui est le mien encore aujourd'hui, c'est à dire, tout le parcours musical, la scène que nous avons écumé pendant des années, l'expérience irremplaçable des heures et des heures passées en studio, soit à enregistrer, soit à mixer.
Je peux vraiment dire que j'ai appris mon métier au sein du groupe.
Gérard : Avant tout une grande école de la vie. J'ai beaucoup, beaucoup appris pendant ces années-là, au contact de tous les membres du groupe. Ce sont tous de fortes personnalités. Sylvain m'a appris l'Espace et m'a sensibilisé aux couleurs dans la musique, Alain m'a appris la rigueur rythmique et m'a aidé à structurer mes idées.
Ce sont tous les deux de formidables musiciens mais aussi des gens sur lesquels on peut compter toute sa vie;... mais les autres membres du groupe aussi m'ont aidé à avancer ...Pisani m'a contaminé à sa passion du Jazz, Bob m'a fait vibrer par son intensité rythmique, René m'a ouvert à des Musiques venues d'ailleurs, et dont le Groupe s'est souvent inspiré. Ce groupe c'était comme un couple à plusieurs, où tu es tantôt in, tantôt out, cela pouvait être très violent, car nous n'étions pas toujours très tendres les uns avec les autres, mais en tous cas ça faisait avancer, il y avait toujours quelque chose de positif à prendre !
Sylvain : Il reste tout, j'ai tout appris, un p'tit coup au coeur en y pensant...
MartinCircus.com : Quelles sont parmi toutes les chansons du Groupe celles que tu préfères ?
Gérard : Je suis incapable de n'en citer qu'une. Beaucoup d'entre-elles sont trop liées à un moment de vie, et je sais que je ne suis pas objectif sur ce sujet.
Sylvain : je n'ai pas de préférence.
MartinCircus.com : Et parmi les albums ?
Alain : Mon album préféré a toujours été Acte II, pour moi, c'est l'album de la spontanéité.
Gérard : Sans aucun doute deux d'entre eux : De sang-Froid (In cold Blood), et Acte II, les plus barrés !
Sylvain : le premier, Acte II.
MartinCircus.com : Que fais-tu aujourd'hui ? Quelles sont tes activités musicales aujourd'hui ?
Alain : Aujourd'hui, je suis Producteur (réalisateur), arrangeur, compositeur (chansons, films, pubs), et bien sur toujours musicien.
Ces dernières années, j'ai réalisé plusieurs albums notamment pour Vincent Baguian, Les Charts, Dany Brillant, Matthew Neil, Brahim Izri, Didier Sustrac, Tak Farinas, Mano Solo, et aussi pour des gens un peu moins connus, mais non moins talentueux.
En ce moment, je travaille avec un artiste en devenir qui s'appelle Balbino et qui fait ce qu'on pourrait appeler du Flamenco-Rock, et également à l'écriture d'une comédie musicale pour enfants.
Gérard : Nombreuses...
-Tout d'abord, j'ai initié auprès de B.M.G. l'idée de cette ANTHOLOGIE, car rien d' intéressant n'avait été proposé jusqu'à présent pour raconter l' Aventure de ce grand groupe. Ca a été un gros travail de choisir, puis de remasteriser ces 42 titres, et puis à partir du mois de Novembre ça va être une joie de retrouver les autres pour la promo . ça promet de joyeux moments...!
- Jusqu'à la fin de l'été j'ai assuré la promo de mon album Mes Plus Belles Histoires sorti chez Warner en 2003.
- Je reviens de 34 dates de concerts que j'ai donné tout l'été à travers la France et que nous avons enregistré en 32 pistes et shooté avec trois D.V. Cam afin de mixer tout ça en 5 + 1 ,... Je vais y ajouter trois nouveaux titres que je suis en train de terminer,... et sortir au Printemps 2005 un très beau D.V.D...
( enfin j'espère ).....BLANC PUBLIC !
- Terminer l'écriture avec Jean-Pierre Rochette (auteur / compositeur), et Brigitte Skiavi , ma compagne, (auteur / scénariste) d'un spectacle musical sur lequel nous travaillons maintenant depuis trois ans !...: FRANCOIS VILLON, le poète, qui à l'aube de la Renaissance s'est acharné à essayer d'élever la conscience du peuple opprimé par le pouvoir dans le Paris violent et cruel de cette fin du Moyen-Age; Ce sont 25 chansons pleines d'émotion, et une intrigue amoureuse dont Villon ressortira brisé mais vivant... il disparaît sans laisser de trace à l'âge de 33 ans après avoir été gracié par le Prévôt de Paris, qui ne peut se résoudre à le faire pendre, étant lui-même tombé sous le charme de sa prose ...! Une Légende.
Sylvain : ce que j'ai toujours fait, de la musique je ne sais faire que ça.
Après martin, j'ai produit, réalisé, accompagné chanteurs, groupes, j'ai fait ingénieur du son en studio une dizaine d'années pour voir ! je continue, à cette minute même, le nez sur le clavier, je suis encore plus heureux aujourd'hui de faire ce que je fais, c'est vraiment un beau cadeau de vivre dans la musique.
MartinCircus.com : Es-tu heureux de la sortie de l' Anthologie ?
Alain : Bien évidemment, pour des tas de raisons, mais surtout, parce que çà va nous donner l'occasion de nous retrouver, et peut-être, rebricoler quelques nouveaux délires ensemble.
Gérard : Un pur moment de bonheur .
Tout d'abord retrouver les bandes originales de toutes ces chansons qui n'étaient pas sorties de leurs cartons, pour certaines depuis plus de 30 ans! C'était très émouvant ; je reconnaissais l'écriture de chacun sur les étiquettes. et puis à la ré-écoute je me souvenais de ces moments de vie dans les studios, on nous entend parler entre les prises ,... trop le fun ! . ensuite aller chez les photographes de l'époque qui nous ont shootés , et redécouvrir des photos incroyables que j'avais complètement oubliées, et qui bien sûr,... sont sur le livret qui accompagne l'ANTHOLOGIE.
Enfin, j''espère que l'ANTHOLOGIE aura beaucoup de succès car c'est un pur témoignage, une vraie photographie de la liberté, du non conformisme et de l'envie d'être différent qui régnait dans les années 70, et dont je crois, tous les membres de MARTIN-CIRCUS ne peuvent qu'être fiers.
Sylvain : oui, bravo à Gérard pour son énergie dans ce projet.
Paris 2004